22/07/2014
1. Petite affaire d'articulations symboliques
Ces articulations symboliques (un clic?), que sont-elles?
Hélas, rien que de l'impalpable, tant le temps du quotidien sait nous faire perdre ce fil d'Ariane.
Avec cela que les premières à résonner avec une certaine per-sistance surviennent en ce moment privilégié, mais parfaitement instable, qu'il me plaît d'appeler la "saison des amours" (l'adoles-cence?).
Nous avons donc, si jeunes et si innocent(e)s, les meilleures chances de n'y voir goutte et de poursuivre le reste de notre vie avec toujours le regard à moitié mort.
Tellement que pour rendre la chose plus criante dans le noir total de l'époque présente, je passerai de l'activité sym-bolique (d'Eros, mais oui!) à l'activité dia-bolique (de Thanatos), et donc du lien à sa... rupture.
Avec comme satan-modèle le De Gaulle qui supprime, après la mort de Jean Moulin (un clic?), l'adverbe "souverainement" dans le texte fondateur du Conseil National de la Résistance.
La France? Un petit pays qui a laissé passer sa chance... et qui n'en sait toujours rien.
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Ce que les éborgnés que nous sommes ne peuvent pas voir... De quoi peut-il bien s'agir?
Hélas, rien que du mouvement de la vie. Et pourquoi donc ne pouvons-nous pas le saisir?
A tout prendre dans la perspective du "moi (un clic?)" (et celui-ci, qu'en a-t-il à faire, de l'amour? (un clic?)), voir quoi que ce soit, ce n'est toujours que laisser son unique oeil rivé au même clou.
Nous devrions tout de même pouvoir faire mieux, non?
Tout laisse d'ailleurs à penser (car, on ne peut pas manquer de le savoir depuis Freud et Lacan : "ça" pense pour nous) que ce n'est pas faute d'essayer, parfois, de faire mieux...
Après quoi, "ça" retombe (selon ce que nous pouvons en savoir) : le désir paraît ne plus y être.
Le désir? (un clic?) Mot redoutablement fourvoyé dans les embrouilles d'alcôve... s'il s'agit pour nous de continuer à afficher la triste figure des chevaliers nus d'avoir perdu non pas seulement leur souveraineté (qui donc s'en soucie encore?), mais peut-être leurs bretelles... si ce n'est le reste.
Michel J. Cuny
21/07/2014
2. D'un caviardage à un autre
C'est donc en 1993 que j'ai fait cette petite découverte de la suppression rétrospective, par De Gaulle, de l'adverbe "souveraine-ment" dans le texte fondateur du Conseil National de la Résistance tel qu'il paraît dans le deuxième tome des "Mémoires de guerre", Plon, 1956, page 445.
Il en est résulté le livre "Fallait-il laisser mourir Jean Moulin?" que Françoise Petitdemange et moi avons publié en 1994. Pour se faire une idée plus précise de ce type d'écriture, et de ce que peut être l'accueil qui attend quiconque prétend remettre certains documents sur la place publique, il ne sera sans doute pas inutile de consulter
http://souverainement.canalblog.com
Le fait est qu'il y a une très nette résistance à la Résistance. En un peu moins de vingt ans, nous n'avons encore rencontré aucune personne qui nous ait offert son étonnement - ne parlons pas d'une éventuelle colère - à découvrir ce phénomène tout particulièrement choquant puisqu'il ouvre la voie à cette autre découverte que c'est bien De Gaulle et ses "services" qui ont livré Jean Moulin à Klaus Barbie.
Voilà où nous en étions lorsque François Hollande, le tout nouveau président de la république française, est venu à la tribune des Nations-Unies le mardi 25 septembre 2012 pour prononcer un discours que j'ai d'abord entendu en direct sur une radio française... Et tout à coup, j'ai ressenti comme un choc : il nous refaisait le coup du caviardage!...
Ecoutons-le :
"Je viens parler au nom de valeurs universelles que la France a toujours proclamées, des droits qui sont ceux de tout être humain où qu’il vive : la liberté, la sûreté, la résistance à l’oppression."
(Pour la dégustation, c'est ici :
Ainsi donc, Charles de Gaulle n’est décidément pas le seul à bidouiller honteusement les textes fondamentaux…
En effet, ainsi qu’il l’annonce à mots couverts, le néophyte de la présidence de la République française appuie son premier discours à l’O.N.U. sur l’autorité qu’est censée lui donner la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
Et le voici qui oublie un tout petit quelque chose dans la liste qu’elle donne, dans son article 2, des « droits naturels et impres-criptibles de l’homme » : « la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ».
Après le faussaire De Gaulle, à propos des pouvoirs du C.N.R. : « Afin que le Conseil de la résistance ait le prestige et l’efficacité nécessaires, ses membres devront avoir été investis de la confiance des groupements qu’ils représentent et pouvoir statuer… sur l’heure au nom de leurs mandants. », nous nous trouvons maintenant en présence du faussaire Hollande, à propos des : « droits qui sont ceux de tout être humain où qu’il vive : la liberté, … , la sûreté, la résistance à l’oppression. »
Mais pas « la propriété » ?… Tu m’étonnes, François.
20/07/2014
3. De Gaulle?... un peu plus de 2 millions de morts
En tant qu'en ce qui concerne la sphère politique, et plus particulièrement dans sa version impérialiste, ce sont effectivement la souveraineté et la propriété qui commandent la mort, il saute aux yeux que leur enfoncement délibéré vers les limbes de l'inconscient pose une question majeure qui pourrait servir à éprouver la pertinence, jusque dans ce domaine, des lignes d'analyse que Jacques Lacan n'aura cessé de définir tout au long de sa vie professionnelle.
Mais il y avait ce grave handicap du caractère lacunaire, et plus que lacunaire, de la publication de ses oeuvres.
A quoi il m'est arrivé, en feuilletant un livre de Jean Allouch, d'apprendre qu'Internet offrait un remède pour moi totalement inattendu : http://www.ecole-lacanienne.net/. Me voici donc paré de pied en cape pour répondre au défi que m'offre Lacan quand je lis sous sa plume ce cartel qu'il adressait le 16 octobre 1929 (8 jours avant le jeudi noir de Wall Street) à Ferdinand Alquié qui venait de manquer un rendez-vous de choix avec lui :
"Le sentez-vous, Alquié ? Quelque chose gît au fond de nous, qui, avec nous, mais presque malgré nous, croît et mûrit, qui vit de nous mais nous fait triompher maintes fois de la mort.
Presque malgré nous, ai-je dit, cela doit parvenir à être mûr. C’est qu’aussi bien nous ne sommes pas libres d’en hâter la venue, d’en orienter la forme – du moins sans dommages.
Nos efforts, notre travail quotidien certes nourrissent ce "génie" – du moins on veut le croire. Mais c’est moins par le contenu et l’objet de ces efforts, qu’en tant qu’ils tonifient, exaltent et exercent toute notre personne. On sent bien que tout cela ne fait qu’éveiller quelque chose d’inné en nous qui aussi bien résonnerait peut-être à n’importe quel déchaînement – ou même à l’inertie."
"Triompher maintes fois de la mort", c'est le fond même du projet que je place devant la mémoire de Jean Moulin... ce Petit Poucet qui nous a tracé la route d'un exercice de la souveraineté autrement digne d'une véritable citoyenneté que cette infâme gesticulation qu'on nous autorise à mener devant l'urne de toutes les trahisons.
La mort? L'autre mort... Celle, d'abord, sur quoi a abouti ce premier crime commis sous la tutelle bienveillante de Charles de Gaulle : trahir Jean Moulin jusqu'à le faire remettre à Klaus Barbie. Celle ensuite qui, par l'écrasement de la souveraineté du Conseil National de la Résistance, a permis à De Gaulle, par deux déci-sions prises en 1945 : 8 mai (Algérie) et 15 septembre (Indochine) de condamner à mort (court terme, moyen terme et long terme ras-semblés) un peu plus de deux millions d'êtres humains dont 315 000 Françaises et Français.
Ce que développe "La Lettre de Michel J. Cuny" dans ses numéros 1, 2 et 3, qu'on pourra se procurer gratuitement, ainsi que les sui-vants, en envoyant son adresse à michelj.cuny@orange.fr
Michel J. Cuny
19/07/2014
4. Jean, l'aîné, et Jacques, le cadet
Né en 1901, Jacques Lacan était donc le cadet de deux années de Jean Moulin (1899). Du point de vue générationnel, il paraît n'y avoir rien d'incongru à faire du premier le porteur, pour partie, du fardeau que l'Histoire de France aura attribué au second en le plaçant là où il était : à l'endroit du crime politique du siècle.
Crime politique du siècle : la livraison, aux nazis, du créateur et président en fonction du Conseil National de la Résistance souverain par les "services" du réputé chef de la France Libre : Charles de Gaulle. Ce dont, toutefois, les citoyennes (potentielles) et les citoyens (potentiels) que nous sommes paraissent, pour l'instant, se foutre comme de l'an 40...
De même qu'en juin 1940, il n'y a guère eu que Jean Moulin à décider - par cette tentative de suicide visant à interdire au préfet de Chartres dont il portait l'uniforme aux passementeries brillantes la faiblesse de signer de sa main, sous les coups allemands, un document destiné à anéantir l'honneur des troupes françaises noires - qu'il n'était effectivement pas à la hauteur de la situation.
Mais revenons à la lettre de Lacan à Alquié du 16 octobre 1929. A cette même époque, Jean Moulin était sous-préfet d'Albertville, tandis que son ami Pierre Cot venait, en 1928, de réussir sa première élection à la députation. Appliquons à l'aîné la formule du cadet :
"Quelque chose gît au fond de nous, qui, avec nous, mais presque malgré nous, croît et mûrit, qui vit de nous mais nous fait triompher maintes fois de la mort.
Presque malgré nous, ai-je dit, cela doit parvenir à être mûr. C’est qu’aussi bien nous ne sommes pas libres d’en hâter la venue, d’en orienter la forme – du moins sans dommages."
Et constatons, sans plus, que voilà bien le fardeau qui nous attend pour autant que nous aurions la prétention - très farfelue au regard de l'abaissement qui est le nôtre depuis soixante-dix ans - d'accéder au minimum d'un quelconque droit de cité...
Michel J. Cuny
08:31 | Tags : jacques lacan, jean moulin, conseil national de la résistance, charles de gaulle, pierre cot | Lien permanent | Commentaires (0)